Une femme
On a toujours aimé connaître la vie de ceux qui, d’une certaine manière, ont marqué l’histoire de leur temps>.
... Son histoire se mêle à celles de tant d’autres femmes, mais s’en distingue parce qu’elle a voulu l’écrire à la suite des pages de l'évangile et donner sa vie pour aimer et servir.
Émilie de Villeneuve
La vie d’Émilie de Villeneuve n’est pas une vie extraordinaire. L’orientation qu’elle donnera à sa vie, en la réglant sur le diapason de Dieu, en bâtissant un itinéraire différent de celui que sa condition de femme noble lui réservait, en s’ouvrant avec générosité à l’Esprit qui, à tel moment et en tel lieu, la poussait à agir de telle et telle façon, mais aussi à regarder toujours plus avant, voilà ce qui sera extraordinaire.
Émilie, troisième fille de Louis de Villeneuve et de Rose d’Avessens, naquit à Toulouse, dans le sud-ouest de la France, le 9 mars 1811. Ses parents avaient échappé à la révolution de 1789 et construit leur famille sur des valeurs morales et chrétiennes, sans ostentation, mais dans la discipline et le respect. Leur vie se déroulait à la campagne, à Hauterive, loin des attractions de la capitale, mais imprégnée de culture, et d’une certaine rigidité.
La vie de la petite Émilie fut fortement marquée par la maladie progressive de sa mère, qui débuta à la naissance de son frère. Les deux aînées, Léontine et
Octavie, furent élevées directement par leur mère, et c’est la première d’entre elles qui fut chargée d’élever Émilie, selon l’orientation de leur mère. Émilie, à son tour, se chargea, dans la
mesure du possible, de l’éducation du cadet, le petit Ludovic. Cet éloignement de sa mère lui était pénible, mais aida à forger en elle un caractère fort, discret, aux émotions sincères, mais peu
enclin aux manifestations sentimentales.
Lors de la mort de Rose d’Avessens, Émilie n’avait que quatorze ans. Les filles furent confiées à leur grand-mère paternelle, qui habitait Toulouse, et le garçon
inscrit à un collège. Ce fut pour elles un grand changement de vie : plus de longues promenades à la campagne, de jeux dans la propriété, d’études régulières, des amitiés sincères mais en petit
nombre. Dorénavant, elles connaîtraient un autre côté de la vie, le côté mondain, festif, enivrant de beauté et de poésie, séducteur. Emilie, quant à elle, garderait de cette époque le souvenir
d’un vide, d’un éloignement des choses de Dieu.
L’adolescence d’Émilie fut profondément blessée par une nouvelle épreuve, la mort de sa sœur Octavie. La douleur due à ces deux séparations prématurées l’a
certainement mûrie, en anticipant les heurts de la vie adulte qu’elle serait appelée à affronter avec courage.
Partagée entre la vie à Toulouse chez sa grand-mère, devenue aveugle, et la vie à Hauterive, Émilie, dont la lucidité et le sens des responsabilités avaient grandi,
mit à profit les rencontres avec quelques prêtres qui cherchèrent à orienter et à nourrir sa jeune âme, désireuse de donner un sens plus élevé, plus profond à son existence.
Le mariage de sa sœur aînée et la mort de sa grand-mère la ramenèrent à Hauterive, dont son père lui confia l’administration : elle avait vingt ans.
L’étape décisive de sa vie commença alors : le désir de s’occuper des pauvres et la volonté d’appartenir totalement à Dieu. C’est ce qui absorbait son cœur, alors
que la réalité quotidienne était faite de l’administration de la propriété, de l’opposition de sa famille, de charité généreuse, d’un apprentissage au contact de l’esprit entrepreneur de son
père, d’une compréhension plus complexe de la vie des pauvres.
Elle souhaitait devenir Sœur de Charité, c’est-à-dire religieuse de la Congrégation de Saint-Vincent de Paul, connue pour son travail auprès des pauvres, mais son
père lui demanda de réfléchir pendant quatre ans avant de prendre une décision. Pendant ce temps, une autre réalité mûrit : la fondation d’une nouvelle famille religieuse. Émilie n’avait pas
l’intention de devenir une fondatrice, son plus grand désir étant justement celui de n’être qu’une humble servante, de demeurer inconnue, entièrement remise entre les mains du Seigneur ; elle
s’aperçut cependant petit à petit qu’elle pourrait servir d’une manière plus parfaite et concrète, et de la sorte faire la volonté de Dieu, son seul et plus grand désir.
Une fondatrice
Pour nous qui vivons en ce début du XXIème siècle il est parfois difficile de comprendre comment une femme jeune, riche et instruite peut vouloir consacrer sa vie à
« faire la volonté de Dieu ». Qu’est-ce que cela veut vraiment dire ?
Il n’est possible de comprendre la vie des grandes âmes que dans la perspective d’une foi profonde et d’un immense amour, vécus intensément, au fil de jours pas toujours éclairés de certitudes, mais dans l’écoute fidèle, patiente, humble et aimante qui caractérise ces âmes d’élite. Émilie était déjà une jeune grande âme, et se préparait à grandir encore. Faire la volonté de Dieu ne veut pas dire baisser les bras, perdre le sens critique ou la maîtrise de soi, mais, bien au contraire, vivre le dynamisme de la grâce divine, dans l’action et dans le don.
C’est donc en vertu d’un œil tourné vers le ciel, l’autre vers la réalité du monde qui l’entourait, qu’une nouvelle famille religieuse germa dans le cœur d’Émilie
de Villeneuve, comme un lis poussé parmi les épines, mais éclairé par une étoile d’un éclat sans égal, dont la signification et la destinée ne se trouveraient qu’en Dieu.
Ainsi, après un court noviciat auprès des sœurs de la Visitation de Toulouse, avec l’appui de l’évêque d’Albi et devant la population qui suivait avec
émerveillement la cérémonie de prise de voile et l’émission des vœux, Émilie de Villeneuve fonda, avec deux de ses compagnes, la Congrégation des Sœurs de l’Immaculée Conception.
C’était le 8 décembre. La plus belle étoile du firmament – Marie – lui ouvrirait les routes du monde, et les maintiendrait éclairées.
Un livre écrit en portugais, traduit en français et en italien