Pour que tu puisses comprendre : ici on nous a imposé une nouveauté, chaque fois que tu sors de ta cellule tu dois te déshabiller devant les gardiens et beaucoup de ces gardes abusent de cette nouvelle exigence. A chaque fois ils nous disent des choses qui nous manquent de respect. Moi et deux autres prisonniers nous avons déposé une plainte à la prison et au dehors aussi et maintenant nous subissons les représailles parce que nous avons porté plainte contre les gardiens. Cela nous gêne beaucoup. Moi je n’aime pas me déshabiller devant un autre homme et entendre les choses qu’ils nous disent c’est nous manquer de respect. Donc je suis en train de préparer un papier pour les tribunaux parce qu’ils ont refusé une de nos plaintes. Voilà ce qui se passe.

Bon, je vais changer de thème. Je suis très content de la fleur (une pensée) jointe à ta lettre, je te remercie beaucoup et je suis très content de savoir que ta santé s’améliore, ça se sont de bonnes nouvelles.  Merci de t’intéresser à ma famille. Ils vont bien, mon neveu aura 3 ans le 24 de ce mois-ci et il a beaucoup grandi. Il parle sans arrêt. Chaque fois que j’ai ma sœur au téléphone il m’appelle tonton et veut me parler. Je n’ai pas revu ma famille depuis un bon bout de temps, nous verrons le mois prochain.

A la fin du mois prochain on doit me donner un nouveau juge, car celui qui s’occupait de mon cas a pris la retraite. Je n’en suis pas sûr, mais je crois que cette année on va me déplacer ver une nouvelle prison. Beaucoup de prisonniers d’ici vont être transférés et se lamentent, moi vraiment je serai content et je veux que l’on me déménage parce que la nouvelle prison se trouve à 30 minutes de ma famille alors que maintenant il faut 6 ou 7 heures pour venir. Dès que je saurai quelque chose de sûr je te le ferai savoir.

Je termine pour aujourd’hui. Je t’aime beaucoup. Excuse-moi auprès du groupe et toi aussi, excuse-moi.  Toute mon amitié ! Bert

Qui est Monseigneur Vincent LANDEL ?

Comment connait-il les Sœurs Bleues ? Par nos Sœurs Anne Béatrice Faye (Burkina Faso) et Marie Jo Acosta Communauté de St Jacques Castres

C’est au Maroc (Rabat) que Sr Anne Béatrice a donné un cours de philosophie à l’Institut Al Mowafaqa http://www.almowafaqa.com/

en juillet dernier avant de participer au conseil scientifique du même Institut en septembre, suivi du colloque et de l’inauguration. C’est une belle initiative voulue et mise en place par les Eglises protestante et catholique du Maroc. L’une des particularités de cet Institut est sa communauté estudiantine, venant d’horizon socio culturel et religieux divers et le type d’enseignement qui y est dispensé. Le fait de faire cohabiter cette diversité,  permet de créer un espace, où chacun(e) se sent en accord avec soi-même et avec l’autre. 

Sr Marie Jo à la rencontre des abbesses du Proche-Orient et du Maghreb du 12 au 17 Mai 2014 à Casablanca où elle était traductrice, nous parle du Mardi 13 mai : Visite de l’archevêque du Maroc, Monseigneur Vincent Landel.

Monseigneur est un religieux de la congrégation des Pères de Bétharam. Il était ami d’enfance de sœur Clotilde de Vals dont la famille a longtemps résidé au Maroc.  

 Le Maroc, son "diocèse" compte 36 millions d’habitants, tous musulmans. Parmi eux 30 000 chrétiens français. Il se refuse à baptiser un seul marocain car cela est impossible dans ce pays, les conséquences seraient très graves tant pour l’intéressé que pour l’Eglise… Cela ne l’empêche pas d’avoir de nombreux amis marocains. Le Maroc est un vaste territoire de 2000km sur 1000km. Il a 30 prêtres Fidei donum ou religieux, de 10 nations différentes. La communion se fait autour de Jésus-Christ et du Maroc. Les communautés chrétiennes sont de différentes origines :  

 - Des anciens « pieds noirs », anciens colons restés sur place après l’indépendance. Quand l’un d’eux décède, l’église est remplie de musulmans, ce qui traduit l’estime dont ils jouissent de la part de la population

- Des femmes chrétiennes épouses de marocains . Elles sont une centaine et peuvent vivre leur religion librement. Leurs enfants sont musulmans. Si le mari meurt,  elles n’ont plus aucun droit et n’ont pas de part à l’héritage

- Les étudiants subsahariens, les plus nombreux. Pour beaucoup, l’Europe leur est fermée et ils n’ont pas d’argent. De plus, insécurité dans leurs études. Ils sont originaires de tous les pays d’Afrique. Leur présence se traduit par une liturgie vivante . Ils séjournent en moyenne 4 ou 5 ans (10 ans pour ceux qui font médecine). Pour eux, l’Eglise est leur seconde famille  et l’évêque un père. Cette année, il y a eu 30 baptêmes d’adultes et 80 confirmations. Le rôle de l’évêque est de maintenir la communion entre toutes les communautés. Pour elles c’est très important de rencontrer l’évêque et chacune des rencontres se termine par des photos…Ces jeunes arrivent parfois à 15 – 17 ans. « Nous devons les aider à vivre en chrétiens dans un monde musulman. Ils se trouvent déracinés, face à tous les problèmes de la société occidentale. Il faut les responsabiliser tant sur le plan affectif que par rapport à leur pays. Un médecin en fin d’études qui veut retourner dans son pays est un fou ou un saint ! »

-  Les expatriés : occidentaux, cadres supérieurs pour la plupart appartenant à des multi nationales… Ils viennent pour quelques années. Ce ne sont pas des migrants car ils ont de l’argent

-  Les migrants  au nombre de 30 à 40 000 venant de l’Afrique sub-saharienne mais on n’en parle pas… Ils cherchent à passer en Europe souvent au risque de leur vie…

-  enfin les touristes. « Le Maroc est le plus beau pays du monde !  Ils sont émerveillés par nos liturgies vivantes. Ils découvrent qu’il est possible de vivre sa foi en pays musulman. »

Parmi les étudiants il y a 10 000 chrétiens. (vous pouvez relire)Il y a 20 ans, on en comptait aucun. Leur présence oblige les jeunes musulmans à s’ouvrir. L’évêque nous dit refaire sa théologie à partir des homélies du pape François !  L’Eglise bouge au Maroc. La mission est simple : être présent au nom de Jésus-Christ et manifester son amour.

Sur le diocèse : 15 écoles catholiques. Tous les directeurs et les enseignants sont musulmans et j’en suis responsable. Nous avons un projet éducatif bâti ensemble : « Dieu aime tous les hommes » donc valeurs de justice, de respect, de confiance…J’accompagne et je fais confiance au peuple qui nous accueille. Une de nous parle alors de tolérance… »Je n’aime pas ce mot de tolérance. Ici il n’y a pas de liberté religieuse mais une liberté de culte. Nous sommes dans un état musulman ; différence avec l’Algérie ou la Tunisie qui sont des états laïcs. Monseigneur Vincent est président de la conférence épiscopale  du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie, Lybie.) L’Eglise du Maroc est une Eglise vivante qui a pris l’option d’une présence comme celle de Charles de Foucault et témoigne que vivre avec l’autre différent est une richesse et non un danger. Le musulman est l’homme avec qui je chemine…Le pape François nous demande d’aller aux périphéries . Nous sommes dans 3 périphéries : rencontres musulmans-chrétiens, migration et nœud de géo-politique africaine. La crise rejaillit ici avec la présence des ivoiriens, des centre-africains…Pourquoi les étudiants  de Guinée Bissau arrivent actuellement chez nous ? Beaucoup d’étudiants sont camerounais…Pourquoi on ne parle pas du Cameroun ? Le problème est différent du Liban : nécessité de prêtres arabes pour être signes (maronites, melkites…) Pour eux la religion n’est pas missionnaire. Les prêtres fidei donum sont là pour leur Eglise et non pour l’Eglise diocésaine… Nous évoquons alors des clarisses qui sont passées au rite melkite :Monseigneur nous en donne la raison : elles voulaient pouvoir prier en arabe et avant le Concile cela était impossible d’où leur choix de se melkitiser.

Monseigneur participera au synode sur la famille. Pour lui, 3 points sur lesquels il est partie prenante : les divorcés remariés, les mariages islamo-chrétiens (l’homme chrétien qui épouse une marocaine doit se convertir. La difficulté est triple car il  existe le mariage coutumier, le mariage civil et le mariage chrétien) ; et toutes les personnes en situation irrégulière qui ont soif  du sacrement de réconciliation et de l’Eucharistie…. Ce sont des problèmes humains fondamentaux dont la responsabilité devrait être laissée aux conférences épiscopales. Mais est-ce que les évêques vont être assez libres pour parler de ces questions car les finances viennent d’Europe… Quel est le diocèse prêt à accueillir un évêque subsaharien ?

Nous avons à vivre Jésus-Christ dans un peuple musulman qui est un peuple priant. Une liturgie arabe ne veut rien dire car il n’y a pas un chrétien arabe. Au Maroc tout est français : les universités, le travail… On parle de l’Eglise au Moyen-Orient, on ne parle pas du Maghreb. Nous ne sommes pas citoyens, nous sommes étrangers. Différence avec l’Egypte où les coptes sont des citoyens. Est-ce que la vie contemplative est compatible avec la culture arabe ? Or la femme doit avoir un enfant pour être femme…Avant de songer au mariage il faut avoir un enfant… Le roi est chef des croyants. Nous sommes dans un régime islamique. En Algérie et en Tunisie ce sont des états laïcs. En Algérie, environ 15000 chrétiens célibataires pour des raisons de sécurité. En Tunisie : 20000. La Lybie est déchirée par des conflits entre tribus (150000 ?) Kadhafi appelait des religieuses pour tenir les hôpitaux…Pas de clergé local…Comment trouver un évêque lybien?

Dans ces pays, pour être évêque ou pour être prêtre, il faut accepter de n’ETRE RIEN .

 lettre de Bert  25 juillet 2014
Chère Marie José, Comment vas-tu ? J’espère que ta santé est bonne, que tout va bien, pour toi et pour tous ceux que tu aimes le plus, ainsi que pour le groupe ACAT.

Moi, je peux te dire que je vais bien, en essayant de prendre les choses au jour le jour, sans penser au lendemain.
D’abord je veux m’excuser pour le retard de cette lettre. C’est que, comme je t’avais dit, les choses ont été difficiles pour moi durant ces derniers temps. Je me réfère à la situation avec mes avocats. Vraiment nous ne nous entendons pas très bien. Ils veulent faire quelque chose et je ne suis pas d’accord avec eux et comme c’est ma vie qui est en jeu, j’ai mon mot à dire dans n’importe quelle stratégie qui se réfère à ma situation. Pardonne-moi de commencer en te parlant de mon cas, mais ce n’est que ça que j’ai dans la tête ces derniers temps.

En changeant un peu le thème. Je n’ai pas pu voir ma famille parce qu’elle n’avait pas l’argent pour venir jusqu’ici. Je sais au moins qu’ils vont bien et j’ai pu parler avec eux au téléphone. C’est mieux que rien. Ah !mon frère est sorti depuis peu de prison. J’espère que maintenant il agira bien parce qu’il a une fille, mais ça, on verra ce qu’il va faire.

Je ne sais pas si tu vois les nouvelles des Etats-Unis. Dans deux Etats, ils ont exécuté deux prisonniers condamnés à mort, mais la drogue injectée n’a pas donné le résultat prévu et ils ont eu une agonie cruelle. Pour l’un d’eux, plus de 45 minutes de souffrance, jusqu’à ce que le cœur n’en supporte plus et qu’il meure. Ce qu’il lui est arrivé est triste, mais c’est la réalité.

Ce n’est pas que je sois dépressif, mais dernièrement je n’ai pas le courage de rien faire. Le stress c’est quelque chose que je ne peux contrôler. Si je demande à voir le docteur et lui parle de mon stress, rapidement il me donnera des comprimés qui abrutissent et je n’aime pas ça. Parce que je veux rester attentif à ce qui se passe et ces comprimés ne le permettent pas. Je vois les prisonniers qui prennent le comprimé et je ne veux jamais en arriver là.
Bon, Marie, ça va être tout pour aujourd’hui. D’abord salue pour moi les sœurs et tout le groupe. Prends bien soin de toi, je t’embrasse très fort, avec l’affection de toujours,  Bert